Ma vie de nomade
Aller chercher l'eau à la rivière, traire les bêtes et passer la journée à préparer les différents produits laitiers, se reposer, jouer aux osselets, tout ça dans un décor si beau qu'il dépasse toute imagination possible... J'ai passé ces derniers jours avec Ondra et sa famille, a quelques kilomètres de Tsetserleg, trois petits gers dans une pleine au milieu des montagnes, pas très loin d'un ruisseau. J'ai appris à traire les juments, les brebis et les chèvres, à faire du beurre, du yaourt, des aaruuls, biscuits de fromage pressé, de la vodka de lait. J'ai appris la cuisine mongole, et notamment à faire des pâtes fraiches et des raviolis ! J'adore le thé salé qu'ils boivent à longueur de journée... Cette famille m'a adoptée, comme ça, sans question, sans rien demander. L'été, ils vivent sous le ger, et s'occupent de leurs troupeaux, mais les hivers étant de plus en plus rudes et les parents vieillissant, ils passent maintenant l'hiver dans une petite maison de Tsetserleg, la ville la plus proche. Les nomades sont maintenant ici de plus en plus semi-nomades, travaillant dans à la ville l'hiver et revenant s'occuper des bêtes l'été. L'hiver dernier, la famille d'Ondra a perdu la quasi totalité de ses bêtes à cause du climat particulièrement rude. Ses parents vivent de la retraite qu'ils touchent du gouvernement, en tant qu'anciens fonctionnaires, mais perdre des bêtes, c'est toujours un déchirement pour les nomades.
Vivre sous une yourte, c'est génial ! Il y fait toujours bon, le puit de lumière central rend la pièce lumineuse. Pas beaucoup d'intimite, mais un vrai bien etre dans cette simplicite. Un poele central pour se chauffer et cuisiner, quelques meubles rudimentaires. Je voulais partager avec eux quelque chose en retour, et j'ai donc entrepris de cuisiner pour eux un plat à la française... Enfin à ma façon ! Poulet aux deux pommes (pomme fruit et pomme de terre), et tout ça, au feu de bois, sur un poêle ! Un vrai succès, même si la sauce au Porto et yaourt n'était pas ma plus grande réussite... Son père à même dit qu'il voulait bien manger français plutot aue mongole ! Je suis heureuse d'avoir pu donner un peu de moi à ces gens qui m'ont tant donne, m'ont consideree comme leur fille des la premiere minute, m'ont appris un peu de leur culture, et m'ont accueillie à bras ouverts.
Avec Ondra, nous avons passe une journée à cheval au milieu des steppes, l'immensité, mais même dans l'immensité des steppes, un ger tous les km minimum... pas moyen d'etre tranquille ! Sensation d'harmonie dans la relation avec le cheval, confiance mutuelle. Sensation de pleinitude, de calme, de serenite... beaute simple et sans nom. 50km en 8h, ça ne traine pas ! Une petite soif ? Pas de problème, on s'arrête au premier ger qui passe ! La fameuse hospitalite mongole, assez etrange au final... on vous offre a boire, mais tres peu de mots sont echanges... on passe juste a\quelques minutes ensemble, sans avoir besoin de parler, et chacun repars de son cote.
Je n'ai finalement pas achete de cheval, c'etait mon idee de depart, mais locaux comme voyageurs me l'ont fortement deconseille, surtout a cause des voleurs de chevaux... il faut garder le cheval toute la nuit, ce qui, seule, n'est pas envisageable. Tant pis, ce sera pour une prochaine fois, et j'ai aussi bien envie de marcher ! Je partirai donc seule a pied apres cette experience en famille.
Le soir même, camping au coin du feu avec les amis d'Ondra, et départ le lendemain pour une des dernières festivités du naadam, la grande fete nationale, à 3h de route de là. Nous arrivons trop tard pour les courses de chevaux, mais juste à temps pour les combats de lutte ! Sur le retour, nous sommes pris sous une tempête de grêle, orage partout autour de nous... Spectacle majestueux ! La route couverte de glace, un épais brouillard à fleur de terre au contact du sol chauffé tout au long de la journée... La nature se fait respecter au Mongolie !
Et la, la peur... m'imaginant seule au milieu de cette nature déchainée... Finalement, je n'ai pas envie d'avoir peur seule, et les magnifiques paysages que je vais voir, je n'ai pas envie de les voir seule... Trois français rencontrés dans une échoppe, ils partent deux jours plus tard à cheval et me proposent de me joindre à eux... Qu'à cela ne tienne, je prendrai le premier bus du matin pour les rejoindre à kharkhorin !
Il est donc temps de quitter ma famille d'adoption... Difficile, larmes et promesses de se revoir. Je ne pensais pas que je serais aussi emue de partir... c'est dingue comme on s'attache vite aux gens... meme sans pouvoir se parler. Je n'ai pas vraiment parle avec la mere d'Ondra, et pourtant, elle m'a adoptee, et vice versa, j'etais en larme en la quittant. Elle m'a donne un pot de beurre et un paquet d'aaruul, pour la route, et m'a fait promettre de les appeler tres regulierement jusqu'a mon retour en France. Je le ferai. Son pere, pas bavard, mais si genereux, allant voir tous ses voisins pour me trouver un cheval, partant a la recherche de mon cheval lorsqu'il s'est echappe, la nuit. Et Ondra... elle est en 4eme annee d'Universite et espere etudier a l'etranger l'annee prochaine. Ma nouvelle soeur, si mature par tout ce qu'elle a traverser, les petits boulots de nuit pour payer ses etudes, aider ses parents l'ete. A seulement 21 ans, une grande maturite de la vie, mais aussi, une envie d'aventure. Nous nous reverrons, sans aucun doute. Lkhamaa, sa niece, 13 ans, si intelligente, parlant vraiment bien anglais pour son age, capable de cuisiner tous les plats mongoles, aidant sa mere a la traite tous les jours. J'ai maintenant deux nouvelles soeurs d'adoption, et je compte bien revenir voir tout ce petit monde, d'ici un ou deux ans !
Arrivée à Kharkhorin après un changement de bus pour cause de panne (plus que fréquent ici, faut dire que quand on voit l'état des routes... !) et la... Et bien non, pas possible de partir à cheval, il n'y a plus assez de chevaux ni de selles, avec une seule agence qui organise les randonnees a cheval, et la haute saison touristique (au moins 15 touristes par jour !)... Bon, et bien puisque les choses sont ainsi, je partirai donc à pied, seule. J'ai peur, peur de la solitude qui pourtant m'attire... C'est dingue cette attitude qui consiste à courir vers ce qui me fait peur. Serais-ce une facon de me libérer de ces peurs... ? Pourquoi ne pas simplement accepter et écouter cette peur ? Mais j'irai quand même, je ne sais pas pourquoi, mais je sens que c'est ce que je dois vivre, car c'est ainsi que ce sont présentées les choses, et j'ai confiance, je me laisse guider, porter, dans cette nature qui me fascine.